physio de pr

Le cancer de la prostate est le premier cancer de l’homme par ordre de fréquence. La prostatectomie radicale (PR) est considérée comme le traitement de référence du cancer dans sa forme localisée. Près de 50000 PR sont ainsi réalisées chaque année en France.

Classiquement, cette intervention chirurgicale est associée à deux complications fonctionnelles majeures qui peuvent altérer la qualité de vie : l’incontinence urinaire (IU) (10% rapportés dans la littérature) (Krane 2000) et la dysfonction érectile (DE) (Chartier-Kastler, Amar et al. 2008).

La DE est une séquelle quasi-constante et nécessite une prise en charge en milieu spécialisé car elle est multifactorielle et difficile à traiter. Elle est attribuée à une lésion des bandelettes nerveuses végétatives (nerfs caverneux) et des artères destinées aux formations érectiles péniennes (Droupy, Hessel et al. 1999). Ces éléments vasculo-nerveux sont accolés aux faces latérales de la prostate et peuvent donc être lésés lors de l’ablation d’une prostate cancéreuse. Depuis les travaux de Walsh et Donker (Walsh and Donker 1982), la préservation des nerfs caverneux est possible au cours d’une PR, mais cette technique chirurgicale --qui a largement évolué depuis sa description initiale-- ne peut être réalisée qu’en cas de tumeur de petite taille, peu agressive et sans extension extra prostatique. De plus, elle ne garantit pas la préservation de la fonction érectile, car la simple dissection et l’étirement des bandelettes neuro-vasculaires est susceptible de les endommager par un phénomène de neurpraxie.

Toute lésion des bandelettes neuro-vasculaire entraine une cascade d’évènements cellulaires dans les tissus caverneux qui peuvent aboutir à une perte définitive des érections si un traitement n’est pas entrepris rapidement après l’intervention.

Les objectifs de cet article sont de décrire les mécanismes physiopathologiques et la fréquence et la de la DE post-PR.

 

FRÉQUENCE DE LA DYSFONCTION ÉRECTILE APRÈS PROSTATECTOMIE RADICALE

La fréquence de la DE après PR fait l’objet de nombreux débats. L’analyse de la littérature retrouve des taux de dysfonction érectile extrêmement variables allant de 26 à 100% témoignant d’une absence de consensus sur la question (Burnett, Aus et al. 2007). Ces discordances entre les nombreuses études publiées s’expliquent par le manque de standardisation de l’évaluation de la fonction sexuelle, la variabilité des définitions de la fonction érectile normale, des méthodes d’analyses et des populations étudiées. Par ailleurs, dans de nombreuses études, la prescription d’un éventuel traitement érectogène n’a pas été prise en compte dans l’évaluation de la fonction érectile post opératoire.

Il est clairement établi que la qualité de la préservation chirurgicale des bandelettes neuro-vasculaires représente le principal facteur prédictif de récupération de la fonction érectile après PR. Cependant, d’autres facteurs ont été identifiés: il s’agit essentiellement de la qualité de la fonction érectile préopératoire (Rabbani, Stapleton et al. 2000), la prise en charge précoce (avant le 3ème mois) de la DE après PR (Gontero, Fontana et al. 2003) et la motivation et de l’âge du patient et sa partenaire (Descazeaud, Debre et al. 2006).

Actuellement, la PR peut être réalisée par voie d’abord chirurgicale à ciel ouvert (voie rétropubienne ou périnéale) laparoscopique classique ou roboto-assitée. Aucune étude ne permet actuellement de démontrer la supériorité de l’une ou l’autre de ces techniques.

 

PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DYSFONCTION ÉRECTILE APRÈS PROSTATECTOMIE RADICALE

Les mécanismes physiopathologiques de la DE après PR ont été décrits à partir d’études histologiques (Schwartz, Wong et al. 2004; Iacono, Giannella et al. 2005) et échodoppler (Mulhall and Graydon 1996; Mulhall, Slovick et al. 2002) réalisées chez des patients ayant subi cette intervention et la mise au point de modèles animaux reproduisant une lésion des nerfs caverneux (Klein, Miller et al. 1997; User, Hairston et al. 2003; Fall, Izikki et al. 2008).

Deux publications ont rapporté les résultats de biopsies des corps caverneux réalisées avant et après PR (Schwartz, Wong et al. 2004; Iacono, Giannella et al. 2005). Il a ainsi été constaté une perte de cellules musculaires lisses péniennes et une altération du tissu conjonctif caractérisée par une fibrose, une perte de fibres élastiques et une désorganisation du collagène. Des études réalisées chez le rat ont attribué cette perte de cellules musculaires lisses à leur entrée en apoptose après la section des nerfs caverneux (Klein, Grimm et al. 1997). Ces lésions histologiques s’aggravent entre le deuxième et le douzième mois après la PR (Iacono, Giannella et al. 2005). Elles sont à l’origine de la diminution de la taille du pénis dont se plaignent la plupart des patients (Savoie, Kim et al. 2003; Gontero, Galzerano et al. 2007) et de certaines anomalies vasculaires (fuites veineuses) (User, Hairston et al. 2003).

Les explorations péniennes par échodoppler ont permis de mettre en évidence deux types d’anomalie: une insuffisance artérielle et un dysfonctionnement veno-occlusif (fuites veineuses).

L’insuffisance artérielle est attribuée à la lésion per opératoire d’une artère pudendale accessoire passant au contact de la prostate et donnant naissance aux artères caverneuses (Benoit, Droupy et al. 1999; Droupy, Hessel et al. 1999). La présence de cette artère a été retrouvée chez 70% des patients (Benoit, Droupy et al. 1999). Par ailleurs, il a été constaté que la section des nerfs caverneux chez le rat entraîne une apoptose des cellules musculaires lisses de la paroi des artères caverneuses ainsi que de l’endothélium (Podlasek, Gonzalez et al. 2001; Fall, Izikki et al. 2008) ; ceci se manifeste par une dysrégulation du métabolisme du NO d’origine endothéliale (eNOS) qui constitue un médiateur essentiel de l’érection. La DE post PR peut donc être assimilée à une lésion vasculaire pénienne complexe à la fois directe (section d’une artère pudendale accessoire) et indirecte (apoptose de cellules de la paroi des vaisseaux).

Le dysfonctionnement veino-occlusif pénien est une anomalie dont la physiopathologie reste mal connue. Son incidence augmente avec le temps (incidence <4ième mois post-opératoire : 14% ; <8ième mois: 21% ; <12ième mois : 35% ; >12ième mois : 50%) (Mulhall, Slovick et al. 2002) et il se manifeste cliniquement par l’apparition progressive d’une résistance aux traitements pro-érectiles (injections de PGE1). Les critères échodoppler sont la persistance d’un pic de vélocité en fin de diastolique dans les artères caverneuses et une diminution de l’index de résistance vasculaire lors d’une érection artificiellement provoquée. Il constitue un facteur de mauvais pronostique puisque la probabilité de récupérer ultérieurement des érections normales est inférieure à 10%. La tendance actuelle est de considérer que les fuites veineuses sont liées à l’apoptose des cellules musculaires lisses et conjonctives des espaces sinusoïdes située sous l’albuginée (Klein, Miller et al. 1997; User, Hairston et al. 2003).

L’abolition prolongée des érections physiologiques est à l’origine d’un défaut d’oxygénation et d’ischémie chronique des corps caverneux. En se pérennisant, l’ischémie accélère la fibrose des espaces sinusoïdes et le dysfonctionnement véno-occlusif rendant alors inefficace la plupart des traitements. Ceci pourrait aussi favoriser la survenue d’une maladie de Lapeyronie, conséquence de troubles vasculaires affectant l’albuginée des corps caverneux.
 

A lire aussi

 

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