cmmLa dysfonction érectile (DE) est une séquelle constante après ablation chirurgicale de la prostate pour cancer (prostatectomie radicale, PR). Elle est due à une lésion des pédicules nerveux végétatifs et/ou vasculaires péniens qui longent les faces latérales de la prostate avant d’atteindre les formations érectiles péniennes (corps caverneux, CC). La physiopathologie de la DE après PR est complexe. Elle implique une diminution de la concentration intra-caverneuse du principal médiateur de l’érection, le monoxyde d’azote (NO), d’origine neuronale et vasculaire.

 

 

Nous avons montré chez l’animal que la section des nerfs végétatifs péniens entraîne une apoptose des cellules musculaires lisses, endothéliales et des cellules du tissu conjonctif de soutien des CC (Fall et al. Europ Urol 2008). Chez l’homme, il est admis que la perte de cellules musculaires lisses et conjonctives entraîne une incapacité à retenir le sang dans les CC lors d’une érection artificiellement provoquée; ceci se manifeste par une fuite veineuse pénienne détectable en écho-doppler. Enfin, la section des pédicules artériels péniens et la disparition des érections physiologiques peuvent aboutir à des lésions d’ischémie chronique avec fibrose des CC qui accentuent encore les fuites veineuses. Cette cascade d’événement cellulaire explique la rétraction du pénis dont se plaignent la plupart des patients après PR.

Le traitement de référence de la DE après PR non conservatrice des bandelettes neurovasculaires reste l’injection intra-caverneuse de substances vasodilatatrices (prostaglandine E1) que les patients s’auto-administrent. Les traitements per os (Ex : Viagra) sont en général peu efficaces si les bandelettes vasculo-nerveuses ont été endommagées. En cas de fuite veineuse ou d’insuffisance artérielle avérée, les injections intra-caverneuses sont généralement inefficaces. L’implantation d’une prothèse pénienne est alors le seul recours pour retrouver une activité sexuelle. Ces traitements lourds entraînent un bouleversement de la vie de couple qui peut aboutir à un abandon de la vie sexuelle. Bien que l’utilisation régulière de traitements érectogènes puisse favoriser la réapparition d’érections naturelles, le taux réel de retour à une activité sexuelle pré-opératoire reste inférieur à 10% en cas d’anomalie vasculaire (insuffisance artérielle et/ou fuite veineuse) après PR non conservatrice.

La moelle osseuse continent plusieurs types de cellules souches ayant un potentiel thérapeutique dans le cadre de la DE post PR: il s’agit des cellules souches mésenchymateuses, des cellules souches hématopoïétiques et des cellules progénitrices endothéliales. Chacune de ces populations cellulaires a montré une capacité naturelle à se différencier en cellules endothéliales, musculaires lisses et conjonctives qui font justement défaut dans les corps caverneux après PR. Par ailleurs, il a été démontré dans d’autres contextes cliniques que ces trois populations cellulaires ont un effet trophique sur le système nerveux et vasculaire. L’ensemble des cellules souches médullaires peut être isolé à partir d’une ponction de moelle osseuse et gradient de Ficoll sous la forme d’une suspension de cellules nommées cellules médullaires mononuclées (CMM). L’injection de CMM pourrait donc trouver une indication dans la DE post-PR en réparant les lésions cellulaires à l’origine du trouble.

Nous avons montré à l’aide d’un modèle de DE post-PR chez le rat que l’injection de CMM entraîne (Fall et al. Europ Urol 2008):

1) une réduction significative du nombre de cellules en apoptose dans le pénis (cellules musculaires lisses, endothéliales et du tissu conjonctif) ;

2) une augmentation précoce des trois isoformes de la NOS pénienne (endothéliale, neuronale et intermédiaire) ;

3) une récupération de la fonction érectile.

travail papa ahmed

 

POSTER PRESENTE À AU CONGRES EUROPEEN D'UROLOGIE 2009

poster fallPar ailleurs, nous avons effectué une étude préclinique chez le cochon pour évaluer la tolérance d’injections itératives de fortes doses de CMM humaines (doses injectées deux fois supérieures à la dose maximale prévue dans l’essai clinique) et vérifier la persistance des CMM (préalablement marquées au CFSE) au site d’injection. Nous avons montré chez 4 cochons la persistance de CMM CFSE+ et CD45+ (spécifique de cellules humaines) dans le pénis et l’absence diffusion des CMM dans les voies de drainage veineuses et lymphatiques du pénis ainsi que dans la prostate. Par ailleurs, nous n’avons noté aucune formation de thrombose ou de priapisme plusieurs semaines après l’injection.

Ces travaux nous ont conduit à envisager un essai clinique de thérapie cellulaire pour la dysfonction érectile après prostatectomie radicale. Une promotion et un financement INSERM/ DHOS (essai clinique INSTIN) ont été obtenus.

 

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